Chroniques de la forêt expérimentale

L’ancien observatoire de Floirac abrite désormais une forêt « expérimentale ». Sous les jeux d’ombre et de lumière du sous-bois, le chercheur Sylvain Delzon dévoilait quelques instrumentations mises en place lors d'une visite organisée à l'occasion d'un Rencard du savoir en juillet dernier. Retour sur cette visite au cœur d'une forêt urbaine.

Promenade dans un bois atypique

La dizaine d’hectares forestiers du site universitaire de Floirac est devenue un living lab : un laboratoire participatif où les chercheurs étudient, avec l’aide du grand public, le devenir d’une forêt urbaine. Sylvain Delzon guide les curieuses et les curieux parmi les arbres et les expérimentations mises en place.

Premier arrêt à l'orée du bois, au pied de robiniers faux acacia. "C'est une espèce exotique qui a une dynamique de colonisation très importante" explique le chercheur. Aux côtés des chênes pédonculés, des frênes élevés et des érables sycomores, les essences venues des Amériques et d’Asie se font ici très nombreuses. Elles y représentent près de la moitié des espèces végétales ! Rien d’étonnant, en réalité, lorsqu’une forêt prend racine en ville ou dans le périurbain. Diverses plantes s’échappent en effet des jardins alentours.

Des arbres bardés de capteurs

Les boisements urbains partagent une autre particularité qui intéresse tout particulièrement les scientifiques bordelais : ils subissent le microclimat de la ville, plus chaud qu’ailleurs. Comme l’image Sylvain Delzon, ils sont ainsi « au cœur du réacteur » du changement climatique. Les forêts urbaines vont-elles alors être plus impactées que des massifs moins anthropisés ? Et, inversement, ces écrins de verdure pourront-ils apporter un effet rafraîchissant aux citadins ?

Afin de répondre à ces questions, 25 arbres de 3 espèces différentes sont étudiés. Des sondes permettent notamment de suivre le flux de sève tandis que des dendromètres mesurent la croissance des troncs. Les données produites sont enregistrées dans des boîtiers électroniques et elles seront bientôt consultables en ligne, en temps réel !

Des filets sont également placés sous les frondaisons de certains chênes. « Ils permettent de compter les fleurs avortées et les glands afin de quantifier la capacité de l’arbre à produire des graines et transmettre ses gènes » précise le chercheur.

Cet été, les forêts de Gironde furent le visage du changement climatique.

La recherche permet de lutter contre les îlots de chaleur en ville, l’adaptation à la sécheresse, la résilience face aux incendies.

Grâce à sa forêt expérimentale, l’@univbordeaux y contribue fortement. pic.twitter.com/bgUbpqBaAk

— Sylvie Retailleau (@sretailleau) October 21, 2022

Prendre de la hauteur

Pour découvrir ces curieux appareillages, pas question de déambuler aux quatre coins de la forêt-labo. La litière forestière est étudiée par les scientifiques et, pour ne pas la tasser, il faut emprunter un chemin en caillebotis. Les promeneurs devraient même un jour parcourir la forêt à plusieurs mètres au-dessus du sol : un canopy walk, une passerelle à hauteur de la canopée, doit y être construite. Elle permettra également aux scientifiques d’étudier les échanges gazeux ayant lieu à la cime des arbres. Une première en France !

Par Yoann Frontout, journaliste scientifique