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Le réseau de partenariat académique Afrique-Europe se réunit à Bordeaux

Mise à jour le :

Créé pour favoriser une recherche interdisciplinaire et orientée vers les politiques publiques en Afrique, le réseau IPORA franchit une nouvelle étape avec la tenue de son assemblée générale à Bordeaux du 1er au 4 avril 2025. Autour de cet événement, chercheurs, décideurs et ONG débattront des défis majeurs et des collaborations scientifiques entre l'Afrique et l'Europe. Les chercheurs et porteurs d’IPORA à l’université, Xavier Anglaret et Tanguy Bernard, dessinent les contours de ce réseau.

Photo : Après avoir fait étape à Rabat et Abidjan (en photo), l’assemblée générale d’IPORA se tient donc cette année à Bordeaux. @ IPORA
Après avoir fait étape à Rabat et Abidjan (en photo), l’assemblée générale d’IPORA se tient donc cette année à Bordeaux. @ IPORA

L'université de Bordeaux et Sciences Po Bordeaux accueilleront, du 1er au 4 avril 2025, la conférence « Renforcer le partenariat académique Afrique-Europe pour améliorer la gouvernance intersectorielle » (SAEAP)*, un événement qui réunit chercheurs, décideurs politiques et acteurs de la société civile autour des enjeux du partenariat académique Afrique-Europe. Cet événement sera l'occasion pour le réseau IPORA (Interdisciplinary Policy-Oriented Research on Africa) de tenir son assemblée générale, marquant ainsi une étape majeure dans son développement.

Fondé en 2023 par la signature d’un accord de consortium, IPORA repose sur une collaboration entre quatre universités fondatrices : Bordeaux, Addis-Abeba (Éthiopie), Abidjan (Côte d’Ivoire) et Rabat (Maroc) ainsi qu’avec Sciences Po Bordeaux et les autres co-tutelle des équipes de recherche impliquées : l'Institut de recherche pour le développement (IRD), l'Université Bordeaux Montaigne, le CNRS et l'Inserm.

 

D’un Grand programme de recherche (GPR) à un réseau intercontinental

Son ambition : structurer un réseau durable et inclusif pour répondre aux défis contemporains de l'Afrique en associant recherche interdisciplinaire et co-construction avec les acteurs locaux.

Initialement, IPORA fait partie des sept Grands programmes de recherche (GPR) de l'université de Bordeaux labellisés en 2021. Il a bénéficié à ce titre d'une aide de l'État dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir (PIA) gérée par l'université au titre de France 2030 pour une période de 8 ans, comprenant 3,8 millions d'euros pour les quatre premières années.
« Dès sa création, ce GPR a joué un rôle moteur dans l’émergence de ce réseau interuniversitaire, multi-institutionnel et multi-pays, conçu pour perdurer au-delà de son financement », explique Xavier Anglaret, chercheur Inserm au centre de recherche Bordeaux Population Health (BPH - unité Inserm et université de Bordeaux) et co-porteur du GPR à l’université de Bordeaux. « L’université en est pour l'instant le principal bailleur, mais pas le pilote. La gouvernance du réseau repose sur une assemblée générale, où siègent un représentant de chaque équipe de recherche impliquée et des institutions académiques fondatrices. À ce titre, ce GPR se distingue des autres. »

C’était même un élément fondateur, pour Tanguy Bernard, professeur d’économie au laboratoire Bordeaux sciences économiques (BSE – unité CNRS, INRAE et université de Bordeaux) et co-porteur d’IPORA, qui souligne que cette gouvernance partagée n’est pas qu’un principe théorique. « L’accord de consortium, signé après un long processus, a nécessité une approche inédite. L’université de Bordeaux a accepté de financer un réseau dont elle n’est pas le centre, avec des fonds directement alloués aux universités partenaires. Ce choix était essentiel pour établir une relation réellement horizontale, sans centralisation bordelaise des décisions financières. »
Et de poursuivre « l'idée de ce réseau est partie du diagnostic que de nombreux chercheurs de disciplines différentes de l'université de Bordeaux travaillaient en partenariat avec l'Afrique, mais sans se connaître. Les universités partenaires africaines faisaient en même temps le constat que les disciplines étaient trop cloisonnées  et que l'approche interdisciplinaire devait être encouragée. Or, les problématiques en lien avec les politiques publiques sont interconnectées et nécessitent une approche transversale ». Structuré autour des réseaux préexistants des chercheurs impliqués, IPORA permet de renforcer la coopération entre les universités fondatrices et d’élargir progressivement son périmètre à d’autres établissements et partenaires.

Au service des politiques publiques

Actuellement une trentaine de projets de recherche sont structurés dans IPORA autour de cinq axes thématiques, explique Xavier Anglaret, toujours dans le but de travailler dans la durée.

  • Système alimentaire et nutritionnel, avec des projets sur la sécurité alimentaire et les chaînes de valeur agricoles ;
  • Santé et inégalités mondiales, notamment sur la tuberculose infantile et l'accès aux soins en milieu rural, accouchements en milieux traditionnels ;
  • Pollution et santé, avec des études sur les impacts de la pollution domestique et urbaine ;
  • Protection sociale et justice économique, pour analyser les réformes de protection sociale et leur impact sur la réduction des inégalités ;
  • Communautés épistémiques, qui questionne la construction du savoir et les dynamiques de partenariat académique entre Nord et Sud.

Ces axes permettent d’illustrer la philosophie d’IPORA concernant la gouvernance intersectorielle, l’interdisciplinarité, l’orientation vers les politiques publiques, le changement d’échelle de financement, etc.
Par exemple, le premier axe, concernant la sécurité alimentaire, englobe la production agricole, les systèmes de transformation, l’accès à la nourriture, la composition nutritionnelle et, par extension, la santé nutritionnelle. « Ce sujet est emblématique d’IPORA, car il illustre la nécessité d’une vision transversale et intersectorielle. Jusqu’à présent, les chercheurs et les acteurs institutionnels travaillaient souvent sur des segments spécifiques, en collaboration avec un ministère donné – qu’il s’agisse de la Santé, de l’Agriculture ou des Finances. Or, c’est en adoptant une approche globale que l’on peut réellement appréhender les enjeux du système alimentaire dans son ensemble. Nous travaillons ensemble pour arriver à une histoire plus complète ! »

Depuis sa création, l’axe Pollution a quant à lui connu une évolution significative. Initialement centré sur la pollution domestique, notamment celle causée par les fours à combustion à l’intérieur des habitations en Afrique, cet axe de recherche s’est élargi à la pollution urbaine, un enjeu majeur pour les métropoles africaines. À ses débuts, les travaux menés par des physiciens de l’atmosphère à Abidjan se focalisaient sur les aspects environnementaux. Progressivement, grâce à des collaborations au sein d’IPORA, un volet santé a été intégré, notamment autour des impacts de la pollution domestique sur la santé des enfants. Dans le deuxième quadriennal, l’axe Pollution va s’élargir à la pollution extérieure, intégrant ainsi une vision plus large des problématiques environnementales et sanitaires urbaines.
Cette approche reflète la philosophie d’IPORA, souligne Xavier Anglaret : associer interdisciplinarité, diagnostic et intervention. En effet, au-delà de la compréhension des phénomènes grâce à l’expertise et aux données scientifiques, IPORA met aussi en place des approches interventionnelles. « C’est le côté pratico-pratique de la recherche ! » Il s’agit d’expérimenter des solutions concrètes, comme le pilotage de politiques publiques visant à subventionner des équipements domestiques moins polluants. Ces interventions sont ensuite évaluées selon des méthodes rigoureuses, y compris via des essais cliniques randomisés.

L’axe Communauté épistémique s’intéresse lui à la manière dont la science se construit, et comment les chercheurs communique entre les disciplines avec la nécessité d’un langage commun. Cet axe s’appuie sur l’observation du réseau interdisciplinaire d’IPORA, avec notamment une thèse dédiée à cette question. Il explore aussi des sujets tels que la gouvernance des politiques publiques, les migrations climatiques et l’évolution des normes liées à la décolonialité. Celle-ci est un enjeu central dans la coopération scientifique entre pays africains et européens. Elle ne concerne pas seulement l’héritage économique ou politique du colonialisme, mais aussi la manière dont la science elle-même a été façonnée. Un mouvement de réflexion actif depuis une vingtaine d’années, notamment porté par Sciences Po Bordeaux, interroge ces dynamiques. Lors de la conférence IPORA, une table ronde réunira le premier jour des partenaires des pays fondateurs pour partager leurs expériences de coopération dans un contexte d’asymétrie des moyens.
Pour éviter toute critique sur son approche interventionniste, IPORA a misé sur une gouvernance partagée impliquant les chercheurs des quatre pays fondateurs. L’objectif étant de garantir des pratiques de partenariat équilibrées et respectueuses des contextes historiques et culturels. Avec la diversité des origines des institutions impliquées, IPORA se positionne d’ailleurs comme un « laboratoire en temps réel » permettant d’observer et d’expérimenter des approches scientifiques et collaboratives.

Former les futurs partenaires de terrain

Le financement pilote d’IPORA joue un rôle clé en permettant d’explorer différentes problématiques et de produire des données essentielles pour soumettre des projets plus ambitieux à des bailleurs internationaux comme l’Union européenne ou la Fondation Gates. Grâce aux financements du GPR, le réseau a, par effet levier, déjà obtenus plus de 10 millions d'euros de fonds externes. Il s’inscrit aussi dans une dynamique internationale, notamment la feuille de route Union Africaine-Union Européenne, qui encourage ces partenariats académiques, ajoute Tanguy Bernard.

IPORA ne se limite pas à la recherche : la formation joue un rôle central dans la pérennisation du réseau et le renforcement des collaborations académiques entre l’Afrique et l’Europe. « On ne fait pas de recherche à long terme sans former les générations suivantes, souligne Xavier Anglaret. L’enjeu est double : il s’agit à la fois de former ces générations suivantes qui vont être nos futurs partenaires et de maintenir à long terme un réseau de chercheurs partageant une même vision de la recherche et des partenariats internationaux. » Un programme ambitieux se met en place, avec un accueil croissant de stagiaires de master et un soutien spécifique aux doctorants via des bourses et des cofinancements. Une réflexion approfondie est menée sur la formation en troisième cycle : comment construire un véritable enseignement interdisciplinaire et quel diplôme pourrait le sanctionner ? Des initiatives concrètes ont déjà vu le jour, comme des écoles d’été et un certificat interdisciplinaire partagé par trois masters de l’université de Bordeaux en économie, santé publique et sciences politiques. Ce programme, qui rassemble des étudiants autour de 100 heures de projets interdisciplinaires, évolue progressivement vers un master international en partenariat avec les universités africaines d’IPORA. À terme, l’ambition est de créer des diplômes interdisciplinaires et internationaux.

Après avoir fait étape à Rabat et Abidjan, l’assemblée générale d’IPORA se tient donc cette année à Bordeaux. Bien plus qu’une simple assemblée générale, l’événement est un moment clé de dynamisation du réseau. « C’est une vraie AG au sens associatif, avec des discussions de fond, des perspectives et une dynamique interne très forte », explique Xavier Anglaret.
L’objectif est aussi d’ouvrir IPORA à un public plus large, notamment à Bordeaux, où l’initiative reste encore méconnue. La conférence SAEAP est de son côté une opportunité de rencontres et d’échanges entre chercheurs africains et européens, mais aussi avec des étudiants et des acteurs institutionnels. Elle constitue une opportunité pour IPORA de tisser des liens avec d'autres réseaux académiques, notamment l’alliance universitaire européenne ENLIGHT.
Tanguy Bernard souligne quant à lui l’importance du timing. « IPORA est désormais un outil solide, qui fait ses preuves. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un stade suffisamment robuste et ancré pour commencer à réfléchir à son expansion et inviter d’autres à s’en saisir. » La présence de financeurs de la recherche, tels que la Région ou la Commission européenne, témoigne des enjeux cruciaux du financement en Afrique, un sujet central des débats.

*“Strengthening Africa-Europe Academic Partnership” (SAEAP)

 

Au programme : des sessions thématiques sur la sécurité alimentaire, la santé et la pauvreté, la pollution et la justice sociale, mais aussi donc des discussions sur la gouvernance des partenariats académiques.
Seront présents des présidents d’université, des académiques (notamment Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019 en visio) ; des membres d’organisations internationales : agence française de développement, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), association ALIMA (ONG médicale humanitaire)…
Environ 300 personnes participeront à cet événement (en présentiel et en visio). 

Voir le programme de la conférence

Contacts

  • Ida Viho

    Coordinatrice IPORA

    ida.viho%40u-bordeaux.fr

  • Delphine Charles

    Chargée de communication scientifique

    delphine.charles%40u-bordeaux.fr

  • Sophie Serhani

    Attachée de presse

    sophie.serhani%40u-bordeaux.fr